C’est ça qui est cool avec la surveillance, c’est qu’il y a toujours quelqu’un qui tient à nous.
Vincent Bonnefille, dans Dear HaCKER
Le 23 janvier à la Gaîté Lyrique à Paris aura lieu la première séance du programme IMAGESPOINTNET sur les ‘Desktop movies’, réalisé par Benoît Hické. Cette série de programmations aura pour première projection le film Clean With Me (After dark) (2019, 21′) de Gabrielle Stemmer, qu’elle prend pour manifeste, ainsi que le film d’Alice Lenay Dear Hacker (2021) qui sera présenté pour la première fois à Paris.
Dans Clean With Me (After Dark) (2019, 21′), Gabrielle Stemmer délivre une écriture documentaire et un montage qui marquent durablement. Ce film (Trailer) est composé à partir des centaines de vidéos, que l’on peut trouver sur YouTube, de femmes qui se filment en train de faire le ménage chez elles. Pour certaines femmes de militaires, isolées aux milieu de cartographies numériques comme autant d’allées pavillonnaires vides, elles filment leurs tutoriels, aux prises avec des comportements obsessionnels ne recouvrant pas toujours totalement leur immense solitude. Avec cette écriture magistrale des images, qui inclut également l’espace de son propre écran, Gabrielle Stemmer a reçu le prix spécial du jury au Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand en 2020.
Ce film, réalisé à partir d’un ordinateur et les flux inépuisables de l’internet participatif (réseaux sociaux, jeux vidéo, intelligence artificielle…), représente pour Benoît Hické un “nouveau cinéma documentaire soumis à la bande passante” qu’il souhaite partager dans ce nouveau programme, avec le film Dear Hacker d’Alice Lenay également présenté lors de la soirée.
Dans Dear Hacker (2021, 60′ / Trailer), l’artiste et chercheuse Alice Lenay s’interroge sur la lumière verte de sa webcam qui a clignoté. Qu’est-ce qui la regardait ? Par une série d’échanges réalisés en visiotéléphonie avec plusieurs personnes, elle essaie de façon spéculative de déterminer cette entité et son intention.
Cette entité-là, on ne sait pas vraiment quel type de présence c’est. Donc soit elle complètement désincarnée et elle est celle d’un réseau automatique, mais peut-être que dans ce réseau automatique là vit une intelligence métaphysique, à laquelle on pourrait croire aussi, qui serait Le Fantôme ou une espèce de Dieu collectif qui viendrait prendre soin en naviguant dans les câbles, pour venir veiller sur moi et ma webcam.
Alice LENAY dans DEAR hacker
Autour de discussions au sujet du métalangage, de la magie, de la conscience des machines et des systèmes de croyance (“L’ordinateur est un producteur de croyances”, livre Robin dans le film), mais aussi d’expérimentations notamment autour de lentilles de caméra ou de captations de flux de données, Dear Hacker a également été un important travail de montage dont la réalisatrice fait part sur le site Débordements (“Tous les dialogues ont ainsi été réinventés au montage en créant des réactions qui étaient infimes, à des mots près, parfois avec des vidéos réalisées à des mois d’écart. Le montage image et son était en fait un énorme travail de construction de discours”).
Développé en parallèle d’une thèse sur la communication avec des visages sur écran, sous la direction d’Yves Citton et Jean-Philippe Lachaux, l’essai documentaire Dear Hacker est une enquête “dans la machine” qui permet, par son dispositif, de laisser aussi exister les formes d’intuitivité.
Le programme sera présenté dès 19h le 23 février 2022 à l’auditorium de La Gaîté Lyrique en présence des deux réalisatrices. Informations et tickets.
Marie-Pierre Bonniol
Liens
Fiche du film Clean With Me (After Dark) sur Unifrance
Fiche du film Dear Hacker sur Unifrance