L’Hôtel des Autrices est un projet lancé collectivement à Berlin début 2021. Porté par le Réseau des Autrices, un groupe d’autrices francophones, l’Hôtel des Autrices est au départ un espace imaginaire, potentiel. Rapidement, l’Hôtel des Autrices s’est développé comme un dispositif digital de résidences et de création littéraire, accueillant dès sa première année de nombreuses autrices et traductrices.
Dans le texte d’ouverture de l’Hôtel, je me suis engagée à raconter ce qu’il pouvait se passer, mais bien sûr cela est impossible. Les niveaux de l’Hôtel des Autrices sont multiples : politiques, sociologiques, littéraires, symboliques, imaginaires, matriciels. Il a pour énergie initiale le désir, humain et ardent, de chambres à soi. Mais rapidement l’Hôtel des Autrices s’est révélé dans ses espaces et ses constructions collectives, ses réponses et circulations de chambres en chambres et de textes en textes, avec la participation de nombreuses lectrices, correctrices, traductrices, en français comme en allemand. Il est aussi, avec le Réseau des Autrices, un projet politique où les femmes autrices se nomment et s’affirment comme voix.
Julie Tirard fait partie des dernières résidentes de l’Hôtel. Son écriture, basée sur un régime de vérité, explore les spécificités d’une écriture pour internet, depuis sa création à partir d’un ordinateur jusqu’à sa présentation sur un autre terminal informatique.
C’est un Word plein écran
Julie TIRARD
Un curseur clignotant
Document
Vierge et blanc
Pas vraiment (blanc)
C’est vrai.
L’Hôtel, le texte de Julie Tirard pour l’Hôtel des Autrices est organisé sous la forme d’un parcours avec fourches dans le site. Il pose la question du transfert de substance et l’effort littéraire d’une transformation de la perception en représentation dans le cadre digital, depuis la nature et la composition des couleurs jusqu’aux limites de la pixellisation.
Le mal commun de Maike Wetzel, également récemment publié, évoque lui la digitalité dans une image encore plus directement matricielle, en mettant en scène conjointement allaitement et travail du clic dans une mise en circuit redoutable.
Avec le long poème Les 13 couloirs de Laura Vazquez dont les rhizomes sont une large et étonnante sélection de liens YouTube, les dernières résidences de l’Hôtel ont exploré pour leur plus grande part des questions digitales et, d’une certaine manière, les rationalisations et les irrationalités du capitalisme, à la fois entonnoir et multiplicateur de désirs.
Cet aspect est également couvert avec le texte de Lise Villeneuve, Déroutées, qui imagine à l’Hôtel un congrès de cœurs brisés vendu par de nombreuses brochures, mais qui présente également, par le portrait de trois femmes, le travail invisible qui permet à l’hôtel de tourner.
Pas de chambre, texte de la résidence récente d’Aurélie William Levaux, évoquait pour sa part les dispositifs actuels de restriction dans leur influence sur la vie comme sur l’écriture, invitant au plan d’évasion.
La publication récente de ces dernières résidences à été l’occasion, pour l’Hôtel des Autrices, d’enfin publier son registre qui rassemble 175 textes à ce jour. Chacun de ces textes, à sa façon, écrit à chacun de ses signes l’Hôtel, devenu désormais un organisme multiple et vivant.
Marie-Pierre Bonniol
Liens
Site de l’Hôtel des Autrices
Collection Morel
L’Hôtel des Autrices est un projet porté par le Réseau des Autrices. Imaginé en 2020 et ouvert en 2021, il est piloté par Laurence Barbasetti, Marie-Pierre Bonniol, Dorothée Fraleux, Agnès Guipont et Delphine de Stoutz. Son site internet a été développé avec Constance Legeay.